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© James Natchwey « 11 Septembre 2001 »

Il y a quelques jours, nous avons commémoré un bien triste événement : l’attaque il y a 15 ans des tours jumelles du World Trade Center à New York et du Pentagone à Washington …

Ce jour là, le monde entier était sous le choc. Tout avait basculé d’un coup dans le chaos.

C’est donc ce mot que j’ai choisi pour le nouvel opus du marathon et pour l’illustrer, une photographie de James Naghtwey prise au pied des tours au moment de l’écroulement de la tour sud.

James Naghtwey est à New York ce matin là, il habite à deux pas. Habitué à photographier le monde et son histoire, il a couru pour témoigner de ce qui voyait. Il raconte : « Je me suis frayé un chemin parmi la foule en panique et j’ai commencé à prendre en photo des gens blessés allongés sur les trottoirs… Je faisais la mise au point sur la tour sud, la croix d’une église en avant premier plan quand soudain le gratte-ciel s’est écroulé… J’ai compris que j’allais être touché, je me suis précipité pour trouver refuge de l’autre côté de la rue, il y avait de la fumée partout, il faisait noir comme en pleine nuit j’ai cru que j’allais mourir… »

James Nachtwey est un habitué des conflits. Autodidacte, il commence une carrière en free lance et dès 1984 il travaille pour Time Magazine. Membre de l’agence Magnum entre 1986 et 2001 il co-fonde l’agence VII. En 2003 il est grièvement blessé par un tir de grenade à Bagdad. Ses reportages dans les zones de conflits (Afganistan, Rwanda, Roumanie etc. ) sont inoubliables. Il reçoit pour son travail de nombreux prix dont la prestigieuse Robert Capa Gold Medal à 5 reprises.

Sur la page d’accueil de son site internet on trouve le mot WITNESS qui signifie TEMOIN.

Être là pour témoigner telle pourrait être sa devise.  Sur la même page on trouve aussi sa citation :

« J’ai été un témoin, et ces images sont mon témoignage. Les événements que j’ai enregistrés devraient ne pas tomber dans l’oubli et ne doivent plus être répétés. « 

Quand on découvre ses photographies pour la première fois, on est surpris par la force émotionnelle qu’elles peuvent dégager et souvent interloqué par ce qu’on y voit ; une réalité qui est dure, un chaos observé au plus près, au cœur même de l’action et sans aucune complaisance. Aucune ne laisse indifférent. Il y a cependant toujours une retenue, celle qui est l’apanage des bons photo-reporters et qui fait que jamais on ne bascule dans l’irregardable spectaculaire outrancier, jamais on ne décèle un quelconque voyeurisme. JN a le regard intelligent. Un regard respectueux et rempli d’empathie pour le sujet qu’il observe.

C’est aussi un photographe de l’instant. L’image qui est proposée cette semaine pourrait servir pour illustrer le fameux « instant décisif » si cher à Henry Cartier-Bresson (co-fondateur de l’Agence Magnum) qu’il définissait comme étant « un moment exact où une image unique, et qui ne se reproduira jamais de la même manière, est capturée par le photographe. »

Evidemment, si on regarde son cliché du 11 septembre on peut se dire « Il en a eu de la chance. Il était là en train de cadrer et boum, coup de bol, la tour s’est écroulée ! ».

Quand un cliché est spectaculaire on entend souvent ce type d’argument du genre « Ce n’est pas à moi que ça arriverait une chance pareille… ». A cela, je réponds que la chance, on la provoque. La photo, ce n’est pas elle qui vient à nous, c’est nous qui allons à elle et ce n’est pas en restant les bras ballants, l’appareil dans le tiroir que la chance va nous sourire. Il est indispensable de provoquer les choses en allant à leur rencontre et d’avoir TOUJOURS à portée de main un appareil photographie au cas où…

Combien de fois n’ai-je pas aussi entendu : « Tout était là, la lumière, l’action, le cadre mais malheureusement je n’avais pas mon appareil ! »

Bon, revenons à cet instantané du 11 septembre 2001 et admettons que James Nachtwey ait eu de la chance ok mais il est quand même vachement bien construit son cliché je trouve. Non ? Tout y est, magnifiquement en place, une composition remarquable et un contenu plein de sens.

Ça n’a rien à voir avec la chance ça !

Ça, c’est le regard, la bonne place, le bon axe, l’intelligence, l’instinct etc. tout ce qui fait qu’une fois le spectaculaire mit de côte il n’en demeure pas moins une image rare avec des éléments qui s’articulent admirablement entre eux et qui donne tout son sens à l’image.

La croix chrétienne, le drapeau américain, l’attaque. Vous mettez ces trois éléments dans n’importe quel ordre, tout est résumé, l’histoire est racontée, le début de l’histoire du moins car celle-ci n’est pas terminée hélas…

Je ne vais pas vous faire ici un cours de géopolitique ou étaler des arguments d’ordre politico-religieux, je vous rassure. Je laisse à chacun le soin d’analyser cette image et j’invite à la réflexion.

Le rôle du photo-journaliste c’est d’informer, provoquer la réflexion, sensibiliser aussi.

James Naghtwey à accompli son travail et parfaitement rempli son rôle.

Quinze années se sont écoulées depuis.

Une guerre a véritablement commencé le 11 septembre 2001, jour de chaos.

James Naghtwey en était le témoin…

James Nachtwey est né à Syracuse (New-York) en 1948.

Suivez le lien vers son site internet http://www.jamesnachtwey.com/